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màj : 07 - 01 - 2018 15:00
Traction mécanique
sur les voies navigables dans les années 50
Entretien du matériel et des voies
Entretien des tracteurs électriques sur rail
Si c'était possible les tracteurs étaient rentrés la nuit dans des garages situés en général à proximité d'une écluse. C'était logique, mais j'en ai connu un qui était loin de tout, sauf peut-être du domicile des conducteurs, dans un plat pays à faible densité d'écluses (sur la Scarpe, à Pecquencourt, une sous-station désaffectée). Les sous-stations électriques qui étaient implantées là où le réseau moyenne tension rencontrait le canal n'étaient pas forcément à coté d'une écluse et on en profitait pour y mettre atelier et garage.
Photo ci-contre : garage en briques de terre cuite de l'écluse n°2 du canal latéral à la Marne à Couvrot (51) en 2006. Il était prévu pour 6 tracteurs à l'abri.
Si le bâtiment a été conservé, c'est qu'on lui a trouvé une autre utilisation en rapport, ou pas avec le canal. Il est remarquable que l'aspect en ait été conservé. La voie ferrée était à l'emplacement du chemin. Il donne accès à une autre porte, nouvelle, sur l'autre pignon.
Autre garage à Pagny-sur-Moselle, typique de cette région de l'est. Il est en briques de laitier. Le laitier est un sous-produit de la production de la fonte et les hauts-fourneaux nombreux à proximité à l'époque de sa construction. 6 tracteurs sur rail étaient affectés là. Sur le pignon, les portes en tôle sont visibles derrière la végétation. (Photo Guillaume Kiffer)
Là où il y avait une sous-station, il y avait un garage. Des ateliers étaient situés dans certaines d'entre-elles, et si je n'en ai connu qu'un en activité, j'ai le souvenir d'établis sous-utilisés dans des garages.
J'ai même vu des sous-stations désaffectées comme si la nécessité de production d'énergie électrique n'était plus ce qu'elle avait été.
L'atelier que j'ai connu était à Châlons à coté de l'écluse.
Photo collection Guillaume Kiffer
Comme pour la plupart des autres garages les voies étaient au nombre de deux en impasse, ce qui faisait deux aiguillages pour l'établissement. Devant les portes de la remise de quoi garer 6 tracteurs (ce que je n'ai jamais vu) et la place pour en rentrer 4 dans l'atelier, mais officiellement, il n'était prévu que pour 2 à l'abri. A l'intérieur une fosse sur chaque voie. Pas de plaque tournante. Pour quoi faire ?
Un J 30 est garé devant l'une des portes de l'atelier. Derrière lui on peut voir un tas de traverses. Comme le travellage de la voie vient visiblement d'être rénové, on peut supposer que ce sont les anciennes qui sont entreposées là.
Ce schéma, est fait de mémoire avec 50 ans de retard et avec l'aide des photos publiées ici. Il ne prétend pas à l'exactitude.
- Rue Jean Jaurès (artère principale de la ville, RN 3)
- Bassin de l'écluse
- Local électrique de la sous-station
- Magasin vestiaire
- Bureau du chef d'exploitation (tel 11 57)
- Atelier
- Garage - local de levage avec 2 fosses
- Etablis
- Voies de garage
- Rigole d'alimentation du bief aval, en provenance de la Marne
- Parcours souterrain de la rigole
- Voie ouverte à la circulation publique
- Passage à niveau
- Alignement de marronniers
- Baraque/bureau de l'éclusier puis maison éclusière
- Pertuis d'entrée de la partie souterraine de la rigole
Les flèches, à l'exception de celles concernant le canal, indiquent une pente (dans le sens de la descente). Le chemin (12) n'était pas revêtu. Le pont à l'aval de l'écluse était, à l'époque, sur le seul itinéraire de traversée de la ville. Il était très fréquenté et quasiment en permanence le lieu de contemplation des manoeuvres. On peut y voir les passants sur la photo de la page 3.

Deux ouvriers d'entretien étaient affectés là, un mécanicien et un électricien. Leur tâche consistait à l'exécution de l'entretien périodique des tracteurs. Il y en avait toujours un (un tracteur, pas un ouvrier) dont la caisse était levée par un genre de portique, manoeuvrés à la main (un à chaque bout) analogue à ceux qu'on utilise encore pour le levage des voitures dans certains garages automobiles. Les essieux et la transmission restés à terre, roulés plus loin et l'induit du moteur, sorti au palan à chaine, en nettoyage sur un chevalet. Le rhéostat avait aussi droit à un démontage pour nettoyage des contacts et les résistances à une vérification.
La photo ci-contre (G. K.) ne montre pas de matériel des Shaddocks, ni des squelettes de maquette de moulins à vent, mais quatre vérins à vis (un peu délaissés) qu'on disposait aux quatre angles pour lever la caisse d'un tracteur. Il manque les 2 poutres qui en reliant ces vérins deux à deux et dos à dos constituaient les portiques. Au début du levage ces poutres étaint posées à terre sous les extrémités du tracteur et accrochées sur un taquet en bas du vérin, invisible ici. Il me semble bien que la poutre était trop épaisse pour s'insérer sous la caisse et qu'il fallait utiliser deux crics à crémaillère pour l'y glisser. Je ne souviens pas des croisillons, soit parce que le matériel de Châlons était différent, soit parce qu'ils étaient démontés par commodité, la caisse du tracteur levée.
Au remontage, un coup de peinture vert wagon qui m'a toujours semblé être de la même couleur que les voitures des trains en service à cette époque. C'est bien ce vert qu'on voit sur les photos 2 à 4, prises à l'écluses des Fontinettes, du site référencé sur les pages 3 et 7.
Les conducteurs de tracteurs du secteur demandaient parfois des petites interventions qui étaient faites sur la voie en face de l'atelier lorsque le tracteur était en attente (comme dans la situation de la page 3, photo avec le bateau Aïda). J'ai vu par exemple, à cet endroit précis, l'électricien nettoyer sommairement un collecteur d'induit. Le capot avant ouvert, le moteur était apparent. Equipé de gants isolants, il ouvrait le boitier de protection du collecteur, demandait au conducteur de mettre en marche arrière à petite vitesse et muni d'une brosse métallique suivait à pied le tracteur en appuyant la brosse sur les plots de cuivre. Ça devait permettre d'attendre la prochaine révision sans immobiliser la machine.
Je me rappelle avoir entendu ces deux ouvriers discuter sur le fait de passer à l'atelier tel ou tel tracteur, désigné par son numéro, et il me semble que ce n'était pas toujours simple. Et en y réfléchissant, (bon sang, mais c'est bien sûr !) comment amener à l'atelier, par une voie unique, un tracteur donné, en service à 30 km de là, alors qu'il était intercalé entre d'autres. Le transport par route était exclu pour ce genre de déplacement et bien que je n'ai pas de souvenir sur la méthode, je ne vois que la possibilité de ramener l'engin soit tôt le matin et tard le soir (en dehors des périodes de service pour que tous les tracteurs à croiser soient sur une voie de garage), soit en profitant des trous dans l'exploitation, lorsqu'il y en avait un entre deux garages. La navigation étant active du lever au coucher du soleil tous les jours même le dimanche, ça ne manquait pas de contraintes. Seuls quelques jours fériés (3 ou 4), comme le 1er janvier ou le 14 juillet étaient obligatoirement chômés. Bien sûr le tracteur n'était pas conduit par un conducteur unique, mais passé de de main en main de secteur en secteur.
Pour les interventions dans les ateliers des directions régionales, notamment celui de St Quentin encore mieux équipé, la CGTVN disposait de barges aménagées pour le transport des tracteurs.

En 1952, la CGTVN fit l'acquisition une remorque routière porte-tracteurs destinée à remplacer les barges, (Photo document MBVN, parue dans le cahier 74, p 80) laquelle était affectée aux ateliers de St Quentin. Ces ateliers étaient placés au centre du réseau et la remorque pouvait aller aussi bien vers Dunkerque ou Nancy en optimisant les distances à vide. Ce n'est peut-être pas un hasard si dans en 1969 on retrouve à St Quentin une ribambelle de tracteurs réformés promis au ferraillage, certains venaient forcément de loin, la remorque a du beaucoup servir dans cette période. Bien sûr elle servait aussi pour les tracteurs Diesel. Le tracteur routier était un Latil comme il se doit.
Mais comment les tracteurs montaient-ils sur la remorque dans un endroit dépourvu de moyen de levage ? Il semble que sur l'essieu arrière il existe un système de vérin à vis permettant de faire descendre le plateau j'usqu'au sol. Ensuite l'essieu devait se décrocher et être déplacé pour permettre au tracteur de halage de monter une rampe provisoire jusqu'à des rails fixés sur le plateau de la remorque. L'essieu remis en place, on raccrochait le plateau et le remontait. La question restante est de savoir comment on déplaçait ce lourd essieu. Il fallait aussi raccorder le trolley du tracteur et sa masse. Simple à résoudre avec des câbles souples munis de pinces. Si je dis des bétises, merci de m'en dire mieux et plus.

Ci-dessus cette remorque juste livrée à St Quentin. Elle porte encore le même numéro d'immatriculation que le tracteur routier, 3223 K 75, alors que sur la photo précédente elle a été ré-immatriculée en 869 AX 02. La raison est probablement l'apparition de la règlementation qui obligeait à une immatriculetion propre les remorques de plus de 500 kg. Par ailleurs, la CGTVN immatriculait ses véhicules, tantôt avec l'adresse du siège à Paris, tantôt avec celle des directions régionales.
En cas de panne les tracteurs pouvaient être remorqués par un autre. Chacun était muni de crochets entre les tampons (jamais employé pour le remorquage des bateaux), auquel on pouvait attacher un bout de câble. Quelquefois un câble mis en huit avec un noeud, l'existence des élingues propres, aux épissures serties ne m'a été révélée ailleurs que plus tard. Pas de marche à tampons joints car il y avait des courbes/contre-courbes serrées sous certains ponts donc risque d'emmêlement des tampons (mariage, en langage cheminot), ni de barre d'accouplement.
Il y avait un atelier bien plus important que celui de Châlons, mais moins que celui de St Quentin, à la direction régionale à Reims, juste à coté du stade. Si vous passez par là, ne cherchez pas, l'autoroute A 344 occupe l'emplacement.
On en voit ici deux batiments et le transformateur qui alimente la sous-station. Un tracteur haut-le-pied est en mouvement, Il semble que ce soit celui que j'ai appellé monotampon. (Voir page 13, le paragraphe "construction CGTVN") L'eau du canal semble laiteuse comme souvent en Champagne quand la vase de craie y est remuée. Quant au stade, on remarque qu'il n'a pas d'installation d'éclairage, et que les arbres du parking sont assez développés pour qu'on puisse avancer que la photo (Doc G. Kiffer) date d'entre 1950 et 1955, l'époque du grand stade de Reims . Je laisse aux passionnés de foot, le soin d'apprécier.
La voie ferrée à droite semble à écartement normal et n'a aucun rapport avec la CGTVN.

Garage/atelier/sous-station d'Anisy-le-Château/Pinon (Aisne) sur le canal de l'Oise à l'Aisne. La disposition est analogue à celle de Châlons, l'écluse en moins et la petite voie en tiroir en plus. La partie élevée du bâtiment sur laquelle on voit les passe-fils de l'arrivée haute tension est la sous-station. L'étage est consacré aux sectionneurs et autres appareils d'entrée de l'énergie électrique. Le rez de chaussée est occupé par les cellules des transformateurs, au pyralène forcément, et aux redresseurs à vapeur de mercure. La partie basse est celle du garage, sur le devant et de l'atelier au milieu du bâtiment. On voit 3 tracteurs sur les deux voies d'entrée au garage, un sur la voie en tiroir, une commodité pour les manoeuvres et le tri des tracteurs sur la voie principale. Tous des J30. Un quatrième est sous le pont. On n'en voit pas assez pour l'identifier.
A gauche des 3 tracteurs, la 2 CV fourgonnette du chef d'atelier ou du visiteur capable de transporter des pièces jusqu'à un atelier de niveau supérieur. Une lampe à vapeur de mercure rentrait dans ce genre de vèhicule, j'en ai même vue une dans un 2 CV berline, banquette arrière enlevée.
Une haie sépare le bâtiment de la voie. Au bout de la haie le lieu de stationnement habituel des tracteurs de passage en attente, reconnaissable aux traces noires sur la voie. Ce jour là, il devait faire un peu chaud, la machine est à l'ombre sous le pont.
Sur le pont, un cylindre tricycle routier, sans rapport avec le canal, mais autre élément de patrimoine technique.

Autre sous-station/atelier/garage à Chauny dans le même département et le canal de St Quentin.
(Doc G. Kiffer) L'époque est plus lointaine, mais la disposition est toujours la même. Le garage est peut-être plus grand sur ce canal plus fréquenté.
Sur les 5 tracteurs visibles, 2 sont des J30, mais les autres sont d'un modéle que je n'identifie pas, pour ne pas les avoir connus. Notez les positions des perches à trolley différentes selon les machines chaque titulaire personnalisant son outil de travail. Le réseau de fils de prise de courant est complexe, mais indistinct. Dommage.
Deux autres installations abandonnées
Deux angles pour la même, à Maizières-lès-Vic, sur le canal de la Marne-au-Rhin en Moselle. (Clichés et surcharges, Guillaume Kiffer) C'est le même bâtiment dont on voit l'intérieur page 5. Garage pour 4 tracteurs dehors et 6 dedans. A propos de proximité avec une écluse, ici elle est à 200 m.
Parroy sur le même canal, en Meurthe-et-Moselle. (Clichés, même auteur) Pas de sous-station électrique et garage pour 6 tracteurs à l'abri. Dans les deux bâtiments, une fosse à l'intérieur pour l'entretien léger. A remarquer la version plus moderne des frises en bois de 1925, la découpe de la maçonnerie au-dessus des portes métalliques pour laisser passer la ligne électrique, la porte fermée. Rien de tel à Maizières. Pourquoi ? la structure du bâtiment est la même, sauf un UPN ajouté en linteau.