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La péniche, gestion du patrimoine fluvial

La péniche, gestion du patrimoine fluvial
Page 11
m à j : 07 - 11 - 2016 10:00


Traction mécanique
sur les voies navigables dans les années 50

Exploitation

Haut-le-pied de refoulement

Le système, dit du troquage, fonctionne très bien comme ça lorsque la navigation est équilibrée. c'est à dire s'il y a le même nombre de tractions avalants et montants sur une certaine période (vous êtes habitués au jargon maintenant). Bien sûr, la réalité est différente.
S'il y a plus de bateaux dans un sens, les tracteurs troquent de plus en plus loin de leur base dans le sens le plus chargé et de moins en moins loin dans l'autre. Certains finiront même par ne plus repasser devant leur garage. Le soir le conducteur se retrouve loin et arrête plus tôt ou fait des heures supplémentaires. En plus des désagréments pour le personnel, ça diminue la rentabilité de l'entreprise et même le nombre de kilomètres parcourus par un bateau dans une journée. A un bout du secteur il manquera de tracteurs et à l'autre il y en aura trop sans emploi.
Il est donc nécessaire de replacer l'ensemble des tracteurs à proximité de sa base. On faisait ça par le déplacement de tracteurs à vide, c'étaient les "haut-le-pied de refoulement". Le terme officiel était "haut-le-pied de correction", jamais entendu sur le terrain.

Comme on le comprend, il ne s'agit pas, comme dans une compagnie de chemin de fer, d'assurer un trafic suivant un horaire pré-établi, mais de faire du transport à la demande. Une sorte de service de taxi, quoi. Le service devait s'adapter en permanence, même si les clients n'étaient pas à la minute et que les reponsables avaient quand même une certaine connaissance de la demande des jours à venir. Ils avaient par exemple des informations venant des bourses d'affrètement, c'est à dire concernant les voyages avant le chargement des bateaux. Il ne fallait pas attendre avant de réagir et les décisions de HlP de refoulement étaient prises chaque jour.
Le système à été théorisé et transformé en organisation d'ensemble à partir de 1933. C'est lui qui a créé la fonction de régulateur et celle de chef d'exploitation.
Pour le secteur Berry-au-Bac - Vitry-le-François, celui de l'expérimentation, un rendement (définition?) de 81,6% avant régulation en 1933 est porté à 99,5% en 1934 après la mise en place de la régulation. (Voir page 21 de la théorie) Vous pouvez lire ces pages en cliquant sur l'image du graphique ci-dessous puis en suivant le lien en bas de page.

Pratiquement celui (homme plus machine) qui était désigné partait sans bateau dans la direction indiquée et dès qu'il rencontrait un collègue en traction il prenait son bateau et repartait avec dans l'autre sens. Le collègue partait haut-le-pied à son tour, et ainsi de suite. Ainsi cela déplaçait le groupe d'une unité sur la longueur du secteur. Le graphique permettait de déterminer l'origine et la fin, le moment et le nombre de ces refoulement qui pouvait s'étendre sur plusieurs secteurs. Les secteurs étaient désignés par des lettres. Dans la zone que j'ai connue, au moment où je l'ai connue, c'était R, S, T. On retrouve ces lettres sur les quittances. Celles de 1945 diffèrent légèrement de celles des années 50.

Sur les secteurs desservis par des diesels, il n'y avait pas de haut-le-pied de refoulement car ces tracteurs ne sont pas réversibles et peuvent se croiser. Ils gardent leur bateau sur de plus longues distances et ne peuvent les échangent que si le troquage a lieu à un endroit où il est possible de faire demi-tour. Il pouvait quand même y avoir des circulations de machines haut le pied pour compenser les déséquilibres d'exploitation, mais ils pouvaient emprunter le chemin de contre-halage de l'autre coté du canal, voire la route.

Graphique

Les régulateurs de chaque secteur aides des surveillants, installés dans de petits bureaux à certaines écluses, faisait des graphiques de prévision du trafic. En abscisse, le temps avec les heures en unités et en ordonnée l'espace avec les garages comme repères.
Le trafic réel était noté. En fin de la journée chacun "passait sa situation" du trafic franchissant ses limites aux secteurs voisins pour leur permettre d'établir leur graphique du lendemain. Cela se faisait par téléphone et il s'ensuivait une longue (c'était mon impression) litanie de devises de bateaux avec la nature de leur chargement, l'origine du voyage et sa destination, et sûrement d'autres données qui m'ont échappées. En plus des graphiques il est évident qu'il y avait d'autres documents dans lesquels je n'ai jamais mis le nez.

Chacun disposait d'une table à dessin avec une règle auto-parallèle, des équerres et du papier calque. Les échelles étaient faites de telle sorte que l'avancement des tracteurs en traction(1) se traduisait par un trait à 45° (pente 100%) ce qui devait représenter une vitesse de 4 km/h. Un bateau sans chargement appelé "vidange" pouvant être tracté à la vitesse limite de 6 km/h se représentait par un trait à 55° (pente 143%). Chaque trait oblique correspondait à un bateau dont le nom était inscrit le long de ce trait. Je me souviens pas de la façon dont étaient notés les tracteurs.

Graphique prévisionnel pour le 8 avril 1962

cliquez Voici un graphique, le seul dont j'ai l'image, (Doc Guillaume Kiffer) concernant le canal de mines de fer de la Moselle (CAMIFEMO) et la Moselle canalisée de Thionville à Frouard. Traction électrique sur rails.
Après vérification, on constate que seuls les bateaux tractionnés sont notés. Bien plus d'automoteurs, dont aucun ne figure, ont navigué sur ce secteur ce jour là.
Les numéros des tracteurs ne sont pas notés.

HLP refoul sur graph

Sur l'extrait du graphique ci-dessus, on voit un haut-le-pied de refoulement en haut à droite de la feuille. C'est un tireté qui croise deux traits pleins représentant des tracteurs avec bateaux, en l'occurence le RP (chargé) et le Louise (vide). Le refoulement est prévu à partir de l'amont de Thionville, probablement le port d'Uckange (départ 12 h 05) à Metz (arrivée 14 h 45). Il concerne 3 tracteurs, 25 km, avec 2 troquages "simple effet" soit une moyenne de 9 km/h environ(3). Les écluses (2) n'ont pas d'influence sur la moyenne réelle, sauf éventuellement s'il y a un "Café de la Marine".

C'est fait sur papier calque léger format 297 X 420 mm et il y a des traces de punaises à 6 emplacements. On voit que des punaises ont été plantées plusieurs fois. Comme il n'y avait pas de papier pré-imprimé et que le régulateur devait le refaire chaque jour il plaçait un papier neuf sur celui de la veille pour recopier les repères d'axes et les données reportables, puis le graphique ancien était archivé.
Les traits à 45° représentent la marche d'un bateau chargé. Le trait plus raide (55°) un bateau vide, et les tiretés, les tracteurs haut le pied (droite à 70°, pente 275%) ou en attente (tireté horizontal). Les vitesses théoriques étant proportionelle aux pentes des traits, si on prend 4 km/h pour un bateau chargé on trouve environ 6 et 11 km/h pour une vidange et un haut-le-pied).

Il a quatre particularités par rapport à ceux que j'ai vus en cours d'éxécution.
- Ce secteur est en impasse. A l'époque concernée aucune navigation n'était possible en aval de Thionville.
- Le 8 avril 1962 est un dimanche et c'était le jour du référendum sur la ratification des accords d'Evian. Des dispositions devaient être prises par tous les services concernés par la navigation pour libérer le maximum de gens et notamment l'arrêt de la navigation à 15 h. (75% de participation). Est-ce pour cela que le trafic est faible ? (2)
- Le secteur est tantôt en rivière, (en racle), tantôt comporte des dérivations en eaux calmes et ce jour là sur la rivière il y avait des "eaux fortes". Nul doute que l'exploitation de la traction en subit des conséquences.
- Il y a une coupure de voie avec deux tracteurs en attente de chaque coté. On constate qu'aucun bateau tractionné n'a franchi cette coupure, d'où aucune conséquence sur l'exploitation.

Pour des commentaires sur l'interprétation qu'on peut en faire 47 ans plus tard quand on n'a pas pratiqué ça soi-même de façon professionelle, cliquez sur l'image du graphique ou ici cliquez. Cette page vous donnera accès à une série d'articles, conçus par une tête pensante de la CGTVN, parus en 1935, sur la théorie de la régulation. La réflexion débouchait sur une meilleure organisation du service, sans modification des moyens mais en réduisant les temps d'attente, permettant d'augmenter la vitesse commerciale des bateaux tractionnés. C'est cette organisation dont j'ai pu observer une partie dans les années 1950. Le principe des graphiques et de toute l'organisation est issu de cette réflexion.

Installation matérielle
Bureau surveillant Bureau surveillant

cliquez Bureau du surveillant à Ligny-en-Barrois, Meuse, sur le canal de la Marne au Rhin. (Collection Guillaume Kiffer)

Le bateau dans l'écluse est un pétrolier ou un transport de liquide, reconnaissable aux tuyauteries et à l'absence d'écoutilles.

cliquez Sur cette autre photo du même endroit (cpa, même origine) elle a disparu ou n'y est pas encore.
Je n'ai pas vu cette baraque, mais il y en avait d'autres semblables sur le canal Latéral à la Marne et que j'ai fréquentées, et dont je n'ai pas de photo. Il y faisait froid l'hiver, le chauffage étant assuré par un poêle à charbon et il fallait faire attention de ne pas s'y bruler dans cet espace exigu. Il est vrai que je n'avais pas autre chose à y faire et qu'aucun emplacement n'était prévu pour un inactif. (ah, si c'était là que l'idée m'était venue de faire un site internet sur le sujet j'en aurais profité pour prendre des notes.)
Comparez avec celle de Lay St Remy à la page 3 (électriques sur rails), qu'on voit aussi à la page 6 (alimentation électrique), où l'activité était plus importante et liée à la traction obligatoire pour tous sous la voûte de Foug.

Le tracteur est un Applevage type II. Peut-être le même sur les deux clichés. Notez le point d'arrêt à l'ombre et le Vélosolex® du surveillant qui donne une idée sur l'époque. Années 50, il peut y avoir eu suppression de ce poste pour cause de baisse d'activité.

Voilà une baraque que j'ai bien connue, c'est pour ça que je lui consacre un plus grand format.

Bureau de Vitry-le-François

(Doc G. Kiffer) Elle ne se trouvait pas à une écluse comme souvent, mais au pointil des trois canaux. Vers la gauche, le Latéral à la Marne, vers la droite, le canal de la Marne au Rhin et en face, vers le photographe, la canal de la Marne à la Saône. Le surveillant qui travaillait là s'appelait Gambier, bonhomme jovial au ventre rond.
Si le latéral et le Marne-Saône était du même secteur d'exploitation, celui de Châlons (direction régionale de Reims, ou plutôt services de Reims, comme on trouve sur les documents) avait compétence jusqu'à Brusson, 8 km, sur le canal de la Marne au Rhin. Il devait y avoir des relations courantes avec le service voisin, dépendant des services de Nancy, notamment pour le passage des bateaux de l'un à l'autre. Je me rappelle qu'il y avait toujours un ou deux tracteurs en attente devant, mais rien sur cette photo et un calme inhabituel par rapport à mes souvenirs. Pendant les congés des chefs d'exploitation les intérims étaient fréquemment faits par l'un pour l'autre, ce qui m'a valu quelques promenades par là en accompagnant mon chef d'exploitation de père, jusqu'à Fains-les-Sources si ma mémoire est bonne.
J'ai souvent contemplé par la fenêtre, l'alignement du canal jusqu'au pont de la RN 4. En ce temps là j'ignorais le pont de chemin de fer qui suivait et sa faible hauteur.

Quelques agents de la CGTVN portaient une casquette (les autres devaient se trouver assez beau sans) où le logo CGTVN était argenté, celle de la photo est plus probablement le couvre-chef d'un conducteur. (Le logo à droite figurait sur certains imprimés à usage externe)

Les feuilles de compte-rendu journalier

Chaque conducteur avait à remplir une feuille de suivi dont un exemplaire ci-dessus. (Doc Guillaume Kiffer)
Celle-ci est vierge, ce qui explique qu'elle a été conservée par un conducteur (Maurice Kiffer) qui a évidement rendu à son surveillant les feuilles qu'il a remplies. On constate que ces imprimés convenaient à tous les types de tracteurs, électriques sur rail ou pneu, ou diesels.
On remarque que les noms (et pas devise, ici) des bateaux sont répartis en deux colonnes selon le sens. Il n'est pas question de montants ou d'avalants. Comme le passage d'un bief de partage qui changerait les montants en avalants n'a aucune incidence sur l'exploitation des tracteurs, il est plus logique de parler d'orientation du déplacement. Le canal Latéral à la Marne est orienté sud-est/nord-ouest. Le libellé convient. Y a t-il eu un canal exploité par la CGTVN orienté nord-est/sud-ouest ?
Toute plaisanterie mise à part cette indication de l'orientation est redondante avec celle des points kilométriques (PK), mais tous les conducteurs n'étaient pas de fins lettrés. L'article de LP Alvin dont il est question plus haut, indique même que lors de la mise en place de la régulation, il a fallut donner des cours aux conducteurs illetrés.

Le verso est tout aussi précis. On constate que le terme de "haut-le-pied de refoulement", que j'ai largement entendu pendant des années, n'était pas officiel au bénéfice de celui de "haut-le-pied de correction par ordre", plus explicite mais plus compliqué à dire. De même l'expression "aller biller un bateau" ne fait pas partie de mes souvenirs auditifs. M'aurait-on fait des cachotteries ?

Je me souviens que les surveillants établissaient à leur tour des feuilles que le chef d'exploitation donnait quelquefois à classer par secteur à de la main d'oeuvre bénévole (et pas en age de travailler légalement) dont j'ai fait partie à ma grande fierté. C'était bien sûr les récapitulatifs des feuilles ci-dessus.

Le vélo
J 30 à Héming

Certaines photos, comme celle-là cliquez (Doc G. Kiffer) à Héming devant la cimenterie, montrent un vélo accroché sur un tracteur, d'autres pas. En principe, les tracteurs rentraient au garage d'où il étaient partis le matin. L'un des effets du déséquilibre des navigations montantes et avalantes combinées avec les haut-le-pied de refoulement était que des tracteurs pouvaient se retrouver le soir assez loin de leur base de départ pour qu'on cherche à réduire le temps de retour et celui de prise de service du matin suivant. (4)
D'où la présence du vélo qui permettait de laisser le tracteur dans un autre garage que celui de départ ou en plein bief comme cela se pratiquait dans certains secteurs (peut-être limité à certains points où on ne devait pas craindre de vol ou dégradation de matèriel). Comme il n'y avait pas partout de chemin praticable le long de la voie, il était logique de le faire à un point de contact avec un chemin roulable.
Sur cette vue, la manoeuvre correspond à une situation particulière indépendante de la bicyclette.

J 30 à Héming

Autre cas. (Doc G. Kiffer) cliquez où deux vélo sont visibles sur les deux tracteurs les plus proches du photographe. Ce dernier se tient sur le terre-plein d'une écluse comme l'indique la rampe de la voie.
Cette image m'a été adressée 3 fois et je ne choisis cet exemplaire que pour sa qualité technique. L'un de mes 3 correspondants l'a assortie de ce commentaire, et il s'y connait.
"Regardez bien cette photo.
Nous sommes à Dombasle-sur-Meurthe. A l'extrème gauche, l'ombre d'une machine qui va rentrer le bateau montant dans l'écluse.
L'Applevage qui sort le bateau avalant de l'écluse,
[...] va le troquer avec l'autre (5) qui est en attente.
Passé le tournant, ce bateau va prendre le remorqueur pour passer entre les usines Solvay et les Salines.
C'est le Marne-au-Rhin."

Vélo sur tracteur en Alsace

cliquez Autre cas sur le canal du Rhône-au-Rhin dans la plaine d'Alsace. (Doc G. Matignon) L'exploitant est la Traction de l'Est. Le tracteur n'est pas identifié quant à son constructeur, mais il avaient tous en commun d'avoir une porte coulissante métallique au lieu d'un rideau de toile comme à la CGTVN. Comme il était alors possible de cadenasser la cabine, on pouvait abandonner sans crainte le tracteur n'importe où le soir. Le vélo permet un gain de temps sur lequel on peut compter.

Il arrivait aussi que le déplacement du tracteur soit programmé et d'une certaine durée, (rentrée à l'atelier par exemple). Là, il ne s'agit pas de déplacer une unité tracteur, mais une machine particulière d'un point à un autre quelquefois éloignés de plusieurs dizaines de kilomètres. Le chef d'exploitation se chargeait de rapatrier, en voiture, le conducteur à sa base. Là, pas de vélo.

 

 

La CGTVN n'a jamais prétendu avoir inventé ce système qui semble être d'un usage universel. Ici, semble t-il, pour le convoyage de vaisseau du désert.

 

 

 


notes

C'était mon impression - Longue, parce que c'était la dernière chose que mon père faisait avant de quitter son bureau et moi j'attendais. Il était chef d'exploitation à Châlons pour tout le canal Latéral à la Marne et plus, mais c'etait lui qui faisait le travail de surveillant pour le petit secteur de Châlons. (les voisins étaient à Vraux, me semble t-il et à St Germain la Ville, là, j'en suis sûr). Il devait attendre l'heure à laquelle chacun avait fini sa préparation du "passage de situation".
Il décrochait le téléphone noir en ébonite (modèle U 43 pour les connaisseurs) et demandait le 9 à St Germain pour le 11 57. Ben oui, c'était manuel et la conversation était ponctuée de "Ne coupez pas" pour signifier à la demoiselle des téléphones quand l'un avait fini de dicter et l'autre pas fini d'écrire que le silence qu'elle entendait ne signifiait pas que la conversation avait pris fin.
Pour St Germain, il disait : "Bonjour Leblanc, ça va ce soir, et patati et patata". Et la litanie commençait. De temps en temps passait le nom d'un bateau que je connaissais, For Ever, Agay... C'était du genre : "René, blé, Dizy, Vitry, PK 27". Le nom du bateau, la nature de son chargement le point d'arrivée dans la zone, son point de sortie, (celui qui venait de loin était mentionné venant du début du canal. Le René venait peut-être de Rouen avec du blé d'Ukraine a décharger à Chaumont) et le PK où le tracteur l'avait laissé. La cargaison pouvait s'appeler "vidange" (jargon pour désigner un bateau vide) et l'autre savait que la vitesse de marche était différente, ce dont il avait besoin pour le faire figurer sur son graphique prévisionnel du lendemain. Quand le premier avait fini sa liste, il écoutait celle du second en répétant chaque terme tout en écrivant. Et ça durait...
1 - Ça ressemble à un pléonasme, mais ce n'est pas un pléonasme. Les tracteurs haut le pied ne sont pas en traction. Imaginez que la remorque d'un bateau se rompe et le tracteur continue un moment avant de s'arrêter. On pourrait dire : Un tracteur tirant son tirage (le câble de remorque) n'est plus en traction puisque son traction (le bateau) n'est plus tractionné. Élégant, non ? Mais jamais entendu. Contrairement à celui des "Tontons Flingueurs" ces "marins" là ne faisaient pas de phrases et surtout pas dans une telle situation. Là, c'était plutôt une bordée d'injures d'où tout souci grammatical était absent.
2 - Mon appréciation sur la faiblesse du trafic de ce jour est basée sur la proportion de tracteurs au travail par rapport aux tracteurs disponibles. Toutefois, une observation des passages de bateaux tractionnés à Frouard pendant cette période ne montre pas de fléchissement caractérisé ce jour là. Il se pourrait bien qu'en 1962, on soit déjà en période de déclin avancé de la traction et que des tracteurs soit en surnombre permanent. Nous n'avons pas de renseignements quant au personnel.
3 - La moyenne annoncé ici est calculée avec le temps prévu et la distance réelle donnée par le guide de la navigation intérieure 1957. Sur le graphique, les distances affichées en ordonnées ne devaient pas être strictement représentatives de la réalité à l'échelle puisque des sections comportant plus d'écluses que d'autres doivent être représentées par une longueur plus grande en raison de la perte de temps aux passages. Faute de quoi la droite représentant le déplacement du bateau aurait du présenter des "marches". De plus le temps d'attente étant variable selon le trafic, il n'est pas possible de savoir à l'avance la longueur de ce palier. Sans compter les troquages qui sont aussi une perte de temps. En conclusion ces vitesses sont approximatives et l'expérience a montré que ces graphiques remplissaient parfaitement leur rôle ainsi.
Il ne manquait pas de polytechniciens à la direction de la CGTVN qui n'auraient pas manqué de concevoir le système autrement si cela avait été indispensable.
4 - Si la feuille de suivi journalier prévoit de noter les déplacements haut le pied pour des motifs bien compréhensibles de calcul de la rentabilité, rien n'était prévu (à ma connissance) pour comptabiliser les déplacements en vélo qui ne coutaient rien à la compagnie sauf si le temps passé était pris en compte dans les heures travaillées.
5 - L'autre tracteur. C'est un marinier qui parle. Les mariniers troquent leurs machines et les gars de la CGTVN troquent leurs bateaux.