màj : 20-02-17

Ecluse 30 à Liverdun
Triangle de retournement des tracteurs

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Ecluse 30 Liverdun

archives famille Osvald

Cette photo montre un bateau qu'on voyait souvent passer à Liverdun, le SR 22. Lui et ses frères transportait de la pierre calcaire depuis la carrière de Villey-St Etienne, vers les usines de La Madeleine-Varangéville. Ces bateaux étaient automoteurs et ce ne sont pas eux qui nous intéressent ici, mais la partie aérienne du triangle de retournement des tracteurs, dispositif dont je n'ai pas retrouvé trace ailleurs.
On voit cette installation à gauche de la photo devant l'usine de produits réfractaires et un pylône électrique qui n'a pas de rapport avec la navigation. (Ou plus de rapport, je me demande si ce n'est pas un vestige de l'autotracteur Chêneau.) J'ai vu cette installation vers 1957 et j'ai tenté d'en faire un shéma aussi clair que possible ci-dessous. Des explications sont jointes en dessous du dessin.

Pourquoi ce truc, peut-être unique(1) ? C'est une question de sécurité. En bief courant, la porte des machines est coté opposé à l'eau pour qu'en cas de chute au canal le conducteur ait plus de facilité à s'extraire(2). Si possible même avant la chute. En cas de passage assez long contre un mur ce doit être le contraire pour qu'en cas d'immobilisation le conducteur ne soit pas enfermé dans la cabine. De deux maux il faut choisir le moindre. Un pont-canal assez long était très près de l'amont de l'écluse, suivi par un soutènement puis un souterrain. L'ensemble du passage "spécial" " était de 2 km environ. Au passage de ces trois types d'ouvrages, les tracteurs devaient circuler porte coté canal.

En d'autres lieux (Foug, le Mont-de-Billy) où l'usage des moteurs était interdits, le problème a été résolu différemment par la mise en place de rames et de tracteurs spécialement affectés, placés correctement. A Liverdun le souterrain ne mesure que 380 m, le moteur y est autorisé, et ce sont les tracteurs de bief qui passent les deux ouvrages avec les bateaux sans moteur. Mais il faut retourner les machines pour que la porte soit du bon coté, là où il faut. A l'extrémité nord de l'ensemble (vers Toul), un pont (dit de Sous-Vignal) permet de faire traverser les tracteurs sans retournement. la porte se retrouve du bon coté avant et après. mais coté sud (vers Frouard) le halage reste sur la même berge et il a fallut trouver une plate-forme assez grande pour installer un triangle de retournement. La voie entre l'écluse et le pont-canal étant posée sur une digue insuffisamment large, c'est à coté de l'écluse que cela a été possible.

Ecluse 30 Liverdun

Des triangles de retournement ferroviaires avec trois aiguillages, il y en a dans tout les dépots de chemin de fer pour les besoins des locomotives à vapeur qui travaillent préférentiellement dans un seul sens. Mais là, on a du matériel électrique avec un système de prise de courant (appellé trolley) qui roule sur des galets au-dessus du fil d'alimentation (et pas en-dessous comme les pantographes qui passent les aiguillages couramment). Ici, il faut que le câble qui relie le trolley au tracteur puisse passer les potences supportant le fil et les poteaux qui supportent les potences. D'où la nécessité d'aiguillages aériens pour que le trolley suive la machine.

Bon. Mais comment ça marche ? La proximité de l'écluse apporte une sujétion supplémentaire. Il faut pas que le tracteur qui rentre un bateau dans le sas s'arrête à ce moment. Pour retourner le tracteur qui continue dans le même sens, il n'y a pas besoin de triangle, un simple Y suffirait, mais il doit pouvoir continuer tout droit, d'où le troisième coté du triangle. Pendant que le bateau est immobilisé dans l'écluse, le tracteur revient en arrière et fait sa manoeuvre de retournement.

Et le trolley ? Il doit suivre le tracteur, tantôt tout droit, tantôt vers le pied du Y. Et là, les ingénieurs de la CGTVN ont trouvé un système qui dispense de sortir la perche pour changer le trolley de fil. Il faut penser que deux ou trois tracteurs, toujours les mêmes, passent là plusieurs fois par jour. Normal qu'on ait pensé à eux.
Il y a deux aiguillages symétriques et un seul est représenté. Pour voir l'autre, regardez le dessin dans l'encadré avec un miroir(3) en inversant 1 et 2. Les organes de manoeuvre des aiguillages et les supports ne sont pas représentés.
Le fil d'alimentation qui va vers l'aiguillage 3 du triangle continue en faisant un zig et un zag, avec une courbe de très petit rayon au-dessus de l'aiguillage de voie, numéro 3 sur le shéma. Il n'y a pas de ligne dans le cul de sac, il n'est guère plus long que le tracteur et le câble souple peut s'allonger assez. Le fil qui permet d'aller tout droit quand le tracteur entre un bateau ne va que de l'aiguillage 1 au 2 et vice-versa et est placé plus haut d'une trentaine de cm. A son extrémité une cornière est placée, l'arête en haut comme une tuile faitière et retombe sur le fil zig-zag. au repos elle est baissée. Le trolley roule dessus quand le tracteur va droit. La cornière est biseautée en bas pour que les galets du trolley passent mieux. Il n'y avait aucune manoeuvre à faire pour aller droit. Pour le retournement, la cornière est soulevée à l'aide d'un levier et d'une corde, non dessinés. Comme je n'ai pas vu la manoeuvre, je ne sais pas comment ils faisaient pour la tenir levée au passage du tracteur. Il n'y a qu'un homme et il était dans la cabine du tracteur. Une boucle au bout de la corde et un crochet sur le poteau à coté aurait pu faire l'affaire. Les bonnes idées ne doivent pas toujours quelque chose à la haute technologie.
Le poteau qui se trouve dans le centre du triangle est équipé d'une potence en trombonne visible (à gauche du pylone, en écarquillant les yeux) sur la photo. Elle supporte le fil conducteur en courbe au-dessus de l'aiguillage voie numéro 3. Comme il n'y a pas d'aiguillage aérien à cet endroit, le câble du trolley subit une torsion d'un demi-tour qu'il refera dans l'autre sens au retour. S'il ne revient pas, tant pis.


notes

1 - Ça n'a pas été la seule chose exceptionnelle à Liverdun, puisque, toute modestie à part, j'y ai la moitié de mes origines.
2 - Principe donné à de multiples emplacements dans ce site.
3 - Non, je me prends pas pour Léonard de Vinci.