06-05-09

Graphique de régulation prévisionnelle de la traction sur la Moselle entre Thionville et Frouard pour le dimanche 8 avril 1962.

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Désolé pour le format, mais il faut ça pour les écritures soient lisibles. Vous devriez avoir sur votre écran une image proche de la taille réelle du document. Les commentaires promis sont en dessous de l'image.

Graphique d'exploitation
Document Guillaume Kiffer sans le concours de qui l'analyse n'aurait pas été possible.

Commençons par le bas. Le garage de Pont à Mousson a 3 tracteurs garés le matin et 3 garés le soir. Un seul a travaillé. Il est parti vers l'amont de façon à être à 6 h 30 pour prendre le bateau Gondole qui l'attend aux fonderies et à destination de Soulanges avec un chargement de laitier(1). Il laisse ce bateau à 9 h avant Pompey. Peut-être bien dans les arrières de l'aciérie du coté de Custines. Complément de chargement, peut-être. Puis le tracteur part haut le pied jusqu'à l'écluse de Frouard où il arrive à 9 h 30 et attends sur ordre. Quoi ? A 12 h 30 il repart toujours haut le pied jusqu'à son garage de Pont à Mousson où il arrive à 15 h pour l'arrêt de la navigation. Au passage on note qu'il est passé devant le garage de Millery dont aucun tracteur n'a bougé.

A Frouard il y a 3 tracteurs le matin et deux le soir. Le manquant est, sauf erreur, parti sur le canal de la Marne-au-Rhin, en direction de Liverdun s'il y a une liaison ferrée entre l'aval et l'amont de l'écluse double. Je ne me souviens plus mais il reste aujourd'hui, le long de l'écluse devenue unique, la plateforme d'un chemin passant sous la ligne de chemin de fer, dont la pente, assez forte cependant, aurait pu permettre la montée des tracteurs. Il n'y a pas de liaison vers Nancy, d'autres tracteurs attendaient sur cette berge. A moins que le nombre de tracteurs indiqués soit la somme de tout ceux là. De toutes façons, le conducteur doit revenir le soir à son point de départ par ses propres moyens. Voir le paragraphe vélo, page 11. Ce "déficit" peut être volontaire en prévision d'un mouvement supplémentaire vers Frouard depuis le Marne-au-Rhin pour éviter un haut-le-pied de refoulement le lendemain.
Photo (La vie du rail N° 800, Doc G. Matignon) montrant 2 J 30 en attente, en amont de l'écluse de Frouard coté Liverdun. C'était permanent pour récupérer les bateaux venant de Nancy (la berge au fond sur laquelle il aurait pu y avoir un ou plusieurs Applevage qui avaient le même rôle en sens inverse) et peut-être de la Moselle. Vue aérienne du site en page Liverdun.

6 ou 7 bateaux sont en attente de traction au port de Frouard, pas pour le plaisir, mais pendant un chargement ou déchargement. Ils sont notés (quasi illisibles), tous avalants comme l'indique le sens des flèches, entre les lignes Pompey et Frouard. Le bateau PAM 9, noté avalant, est à prendre en aval de Millery.

Notez les deux tracteurs en attente de chaque coté de la coupure de voie de Novéant, soit 4 en tout, notés "+2" dans la deuxième colonne. Il s'agit de travaux dont nous ne savons rien. Novéant est en canal sur une dérivation, donc il est possible qu'un diesel soit en complément en contre-halage si la coupure est longue, mais ce n'est pas noté sur le graphique parce que ça ne change rien à la gestion des électriques sur rails.

Pour éviter de faire de A/R entre texte et image, j'en remets un extrait ici.

Graphique d'exploitation, extrait

5 tracteurs le matin à Metz, 5 le soir. 3 ont travaillé. 2 partent en "doublure" (double traction ?) à 6 h 30 pour aller chercher le Normandie, montant, quelque part entre Argancy et Mondelange (Hagondange ?)(2). Ils tractent en double et à Argancy le tracteur de tête se découple et part seul (pourquoi ?). Suivons le. Quelques minutes après il rencontre son troisième collègue parti de Metz à 7 h avec le RP(3), avalant. Il troquent. L'un fait demi-tour vers Metz, notre cible repart en sens inverse avec le RP. Pas longtemps, puisqu'il rencontre à nouveau le Normandie, montant, et retroquage, le voila de nouveau en montant. A 10 h il rencontre le Louise(4), avalant vide (trait à 55°). Retroquage et repart en avalant. A 11 h il rencontre le Gaby(5), montant qu'il conduit jusqu'à Metz où ils arrivent à 14 h. Là, tracteur et bateau s'arrêtent. Notre tracteur est revenu à son point de départ et n'a plus de travail jusqu'à 15 h, heure d'arrêt de la navigation.
Le tracteur le long du canal est au taxi ce que la ligne droite est au plan.
Si l'histoire vous a plu, vous pouvez vérifier qu'il en est de même pour les autres tracteurs et du même coup comprendre pourquoi Napoléon disait qu'un bon croquis vaut mieux qu'un long discours. Si elle ne vous a pas plu, voici le croquis.

Graphique d'exploitation, extrait

Les bateaux sont bien représentés en temps qu'unité, mais pas les tracteurs. Les clients d'abord. Les tracteurs sont visibles des professionnels et représentés ici par un trait de couleur ajouté pour les non initiés que nous sommes. Deux traits de couleur, représentant chacun un tracteur bien réel et un seul, ne peuvent pas se croiser. Notre cible du paragraphe précédent est jaune. A chaque fois qu'un trait en rencontre un autre, il y a troquage. De 7 h à 13 h, le Louise aura été tracté par 4 machines différentes. Sur le graphique les tracteurs ne sont pas identifiés par leur numéro.

Ce graphique est prévisionnel et théorique. Il sert au surveillant à savoir à l'avance combien de tracteurs il devra faire sortir et combien de conducteurs il devra employer. Ça permet de plannifier les jours de repos. Mais la réalité qui peut être différente doit se contenter des moyens mis à disposition.
Deux montants, le Gaby et le Normandie qui ont un chargement pour une destination plus lointaine s'arrêtent une heure avant la fin de l'arrêt de la navigation à une écluse. C'est parce qu'ils sont censés ne pas trouver de point d'amarrage avant l'heure fatidique. On peut supposer qu'il passeront l'écluse avant l'arrêt et la nuit à la patte d'oie d'amont (après l'écluse).

Un détail. Argancy est le début d'une dérivation vers l'aval à partir d'un barrage où ce jour là on prévoit une probable montée des eaux. Pas étonnant il y a eaux fortes en amont à Pont à Mousson. Et ce qui me chiffonne, c'est que la double traction se ferait sur la dérivation en eaux calmes et pas sur la rivière en amont où le courant est supposé fort. Mais celà ne modifie pas le principe du graphique que je viens d'expliquer.
Vous êtes toujours là ?
Maintenant de la théorie
Toujours plus fort ! (Roulement de tambour, coup de symbale)

theorie de la régulation appliquée à la traction sur les voies navigables


notes

1 - Le laitier est un sous produit de fabrication de la fonte dans un haut-fourneau (il y en a à Pont-à-Mousson) et entre dans la fabrication de certains ciments. Il y a une cimenterie à Soulanges. (voir page 10). Le Gondole est passé à Frouard le jour même. Le graphique prévisionnel n'a donc pas été respecté au moins sur ce point. C'est peut-être parce qu'il y avait un doute que le tracteur devait aller de toutes façons à Frouard avant de rentrer à Pont-à-Mousson.
2 - Le Normandie a pris un voyage de coke à Hagondange pour Commercy qui l'a fait passer à Frouard le 16 avril. Ce n'est donc pas celui-ci qui s'est terminé en Moselle (la rivière).
3 - Le RP livrait de la pierre de Void (Meuse) à Uckange. Les acièries utilisent du calcaire dans les hauts-fourneaux. Frouard le 4 avril.
4 - Le Louise Vient de Langres à vide pour charger à Uckange. La destination est notée le long du trait. Frouard le 3 avril.
5 - Le Gaby est parti ce jour d'Ebange (un peu en amont de Thionville) et va livrer un chargement de laitier à la cimenterie d'Héming (près de Sarrebourg) Il est passé le 10 avril à l'écluse de Frouard.