Tracteur Latil au Guétin (Cher)

màj : 05/01/11

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Document Guillaume Kiffer

La forte pente du chemin de halage est justifiée par l'emplacement de ces écluses à la sortie du pont-canal et par la présence de la route en bas de l'écluse basse. L'installation d'une voie ferrée à cet endroit aurait nécessité un ouvrage important passant au-dessus de la route (environ 5 m), et pour avoir moins de pente, allant retrouver bien loin l'altitude du chemin de halage qu'on voit s'éloigner à droite. D'un coût élevé, un tel aménagement aurait été difficile à exploiter en raison de la différence de niveaux hors normes entre le tracteur et le bateau. La solution diesel à pneus est la mieux adaptée à la situation. De toutes façons, selon les critères en vigueur à l'époque, le trafic sur le canal latéral à la Loire ne justifait pas l'investissement dans les sections courantes non plus.
A remarquer les stries sur le béton de la pente pour améliorer l'adhérence. Du temps de la traction par chevaux, le problème devait être encore plus sérieux.
On voit un chemin de halage à droite, le long du canal en aval, alors que le tracteur semble venir de la gauche. Un des avantages de la traction diesel à pneus sur le rail est sa liberté de manoeuvre. Le tracteur peut aller chercher un bateau en attente dans le large de gauche sans installations particulières alors que le halage est sur l'autre berge. Le pont est celui d'une route départementale et sert à tous.

Document Guillaume Kiffer

L'écluse du bas est vide, ou en tout début de remplissage, et la hauteur du panneau du fond (porte intermédiaire plus maçonnerie) correspond à la hauteur de chute totale des deux écluses.

Document Guillaume Kiffer

L'homme au tablier est-il le même sur les deux photos ?

Document Harry De Groot

Ecluse du bas pleine, un montant change de sas. C'est une flute de l'Ourcq motorisée et la dame ne remplace pas le tracteur (qui est dans le mauvais sens) mais va placer l'amarre sur un boulard à terre. Elle vient quand même de monter la côte à pied sous les regards de ces messieurs. On peut penser que le conducteur du tracteur (l'homme au tablier) l'a aidée à passer l'amarre au-dessus de la manivelle de vantelle et du garde-corps. Son mari est logiquement au macaron.

Document Guillaume Kiffer

Le berrichon avance vite. L'eau se déplace en sens inverse de chaque coté. le bachot (barque en remorque) avance tout seul, aspiré dans le sillage, son amarre n'est pas tendue.

Document Guillaume Kiffer

A gauche, au bout du pont-canal, l'écluse double. En dessous, l'Allier.
Alors que le tracteur doit tirer plus fort, ça va moins vite. Les différence de masse et de volume des deux bateaux n'expliquent pas tout. Le rapport entre les sections mouillées des bateaux et du canal plus proche de 1 dans le second cas y est pour beaucoup. L'eau n'a que peu d'espace pour se déplacer autour de la coque.

Vignette vidéo

Une vidéo, recopie d'un film de 1965 montre le passage des écluses et le début de la traversée du pont-canal par le "Pacific" (le marinier reconnu par son fils) dont l'histoire est ici. Des informations très intéressantes sont arrivées à mon clavier par la même occasion. (Merci Guy)
Ne cherchez pas à monter le son, il n'y en a pas, le film original est du 8 mm muet. Je suis le premier à le regretter.
Le film semble avoir la même origine qu'un autre montrant de la traction équine en 1957 (trois fois. Sur la première, 3:20, le bateau est l"Albatros", Les chevaux devant lui appartenir car on les reconnait (pas moi) avec le même bateau sur une carte postale sur l'Yonne, un deuxième bateau hippotracté passe à 10:20, la troisième avec un berrichon non identifié tiré par deux anes à 11:30. Attention, il y a des longueurs ! ou des choses d'un autre intérêt.) et aurait été réalisé par un club de cinéastes amateurs, d'où l'excellente qualité de la tenue de caméra.
La date indiquée sur le site hôte est probablement erronée, ce n'est pas 1975, le tracteur a vraisemblablement été mis hors service peu de temps après 1967. Le livre de bord du "Pacific" a permis de connaitre les dates possibles.
Les bateaux motorisés (ce n'est pas le cas du "Pacific") devaient arrêter l'hélice sur le pont pour éviter de dégrader davantage la maçonnerie en mauvais état. (Les 3 CV sur 4 servent aussi à ça, hélas.) Ce Latil ne servait pas sur le reste du canal. Il ne faisait que des aller/retours pour tirer tous les bateaux. On ignore quel matériel assurait la traction sur le reste du canal à la même époque. On a vu à proximité (voir page 17) des auto-chenilles, quelques années auparavant. On sait aussi que des Latil ont été utilisés sur le canal latéral à la Loire jusqu'à Roanne à la fin de la période de traction. On sait aussi qu'un marinier, patron du "Sirius", passait là, tiré par son unique cheval jusqu'en 1971. Record de longévité de ce mode de traction dans la région et probablement pour toute la France. Et c'est tout.
L'exploitation de ce passage singulier sur lequel aucun croisement n'était possible se faisait par alternat. Les avalants se stockaient à la queue leu leu sur le pont le soir ou pendant la nuit, l'écluse précedente étant fort éloignée on pouvait faire du chemin après la fermeture. La matinée leur était consacrée pour la descente des écluses. Pendant ce temps il pouvait y avoir une quinzaine de montants en attente dans le bassin en aval. L'après midi était réservé au passage des montants. On imagine le tracteur évacuant tous ces bateaux par une succession de passage à charge dans un sens et retour haut-le-pied pour prendre le suivant. Le temps nécessaire au passage du pont est équivalent à la durée de la bassinée dans le sas du haut. Il n'avait donc pas d'intérêt (au moins pour les montants) à faire des convois.
Le tracteur a été vu en service en 1967, remorquant le dernier berrichon en bois encore en activité commerciale. (Source : livre "FRANCE : The quiet way" de John Liley, Doc Guy Matignon)(1)
Après suppression du tracteur, les hélices en mouvement ont été autorisées sur le pont-canal. Logiquement, c'est que les travaux nécessaires avaient du être réalisés. Pourquoi pas plus tôt pensent les mariniers motorisés qui ont été bien enquiquinés par la rupture du mode de propulsion. Ils ont raison, mais quand les crédits tardent, les techniciens ont le temps de vider plusieurs stylos avant que les financiers fassent le bon choix.
 
Bien regarder sur la vidéo, à la première apparition du tracteur, la lenteur du démarrage, prudemment entrecoupé d'arrêts (2 visibles) et comparer avec celle en marche stabilisée quelques secondes plus tard. Rappelons que sur le pont-canal, la vitesse de "croisière" est plus faible qu'en canal courant en raison de la faible section mouillée.


notes

1 - John Liley qualifie le Latil de "terrible old tractor would be produced from out of a derelict shed, and after much gasping and shuddering this would drag [the boat]".
Traduction sous ma seule responsabilité, ce qui n'est pas peu dire quant à la fiabilité du sens : tracteur hors d'age, issu d'un hangar à l'état d'épave, qui aprés moult halètements et frémissements, voulait tirer le bateau.
Si on ajoute à celà cette appréciation de riverain du canal de la Marne à la Saône parlant de "tracteurs diesel et puants de marque "Latil" de la CGTVN", je proteste tout en affirmant que chacun est libre d'exprimer ses appréciations. On en redemande.
J'ai vu, entendu, et senti ces engins dans les années 50, connu les gens chargés de leur conduite et entretien à la CGTVN et j'ai encore mes émerveillements d'enfant et d'adolescent. En 1967, celui du Guétin se faisait peut-être vieux (mais les derniers construits, n'avaient guère plus de 20 ans), était peut-être mal entretenu (par qui ?) et c'est vrai qu'il n'y avait pas de pot catalytique pour absorber l'abondante fumée noire. Les hangars d'entretien, souvent en tôle ondulée, sentaient la vieille graisse rancie. Moi, j'aimais. Le démarrage n'était pas plus hoquetants que vous l'avez vu sur la vidéo et ce n'était pas du à l'engin, mais au soin pris pour la sauvegarde du tirage qu'une traction trop énergique aurait rompu. Il est vrai qu'un tracteur diesel ne peut prétendre à la même douceur au démarrage qu'un électrique. Dernière remarque. Le modèle du tracteur du Guétin était équipé d'un moteur Gardner de fabrication anglaise.
Et le bruit au ralenti de ce moteur est toujours introuvable. Damned ! Celui en marche soutenue était plus classique.
Quoi qu'il en soit remercions tous les britanniques fluviopathes qui ont publié leurs observations et impressions relatives aux canaux français.